mardi 25 novembre 2008

Point com : Une nécessaire mutation

(…) Une réflexion est indispensable afin de refonder les télévisions publiques et de leur redonner leur vraie place dans le paysage audiovisuel diversifié que nous connaissons aujourd'hui.
Les usages audiovisuels sont en mutation, les téléspectateurs n'ont donc plus avec la télévision publique les mêmes liens que lorsqu'elle constituait l'unique média audiovisuel auquel ils avaient accès.

(…) Ailleurs, les réflexions engagées ont insisté sur la nécessité pour la télévision publique de s'investir pleinement dans trois directions :
- d'une part, le développement de nouveaux usages de l'image et des nouveaux accès à l'image dont elle ne doit pas être absente si elle veut prolonger son rôle auprès des jeunes générations. Si les jeunes générations ne s'informent plus auprès des médias publics, il y a potentiellement crise de leur représentativité. Cela veut dire qu'elles ne répondent plus au besoin social qu'elles sont censées combler…
- d'autre part la prise en compte des publics qui, aujourd'hui, se détournent d'elle. Si toutes les classes de la société ne se retrouvent pas dans le public des télévisions publiques, cela veut dire qu'elles échoueront à jouer leur rôle de lien social et que d'autres médias fédèreront la population autour d'autres principes ou d'autres valeurs…

- troisième direction de réflexion essentielle, une télévision publique forte est un des piliers d'un " modèle audiovisuel " équilibré. Les marchés anglais, allemands et français sont là pour le prouver : une économie audiovisuelle est un tout, et les marchés nationaux sont trop étroits pour appuyer à eux seuls une production dynamique et diversifiée. Cela veut dire qu'il n'est pas dans l'intérêt des groupes privés de voir la télévision publique paupérisée, parce qu'ils subiraient alors rapidement le contrecoup de l'affaiblissement du secteur de la production nationale dans son ensemble. Cela veut dire surtout qu'il est d'intérêt public d'accorder plus de financement à la télévision publique pour lui permettre de jouer son rôle de poumon de la production nationale, de donner de l'oxygène aux créateurs audiovisuels qui donnent corps, dans les sociétés contemporaines, à nos identités culturelles diverses.

(…) Les télévisions publiques ont besoin, en Afrique comme partout dans le monde, d'une réaffirmation par le politique de leur légitimité et de leur indépendance. La tentation systématique du monde politique, toutes couleurs confondues, est de croire que la solution réside dans un contrôle plus étroit des responsables qui sont en charge de mettre en œuvre les orientations retenues. Il faut lutter contre ces méthodes qui ne répondent plus aux attentes médiatiques du monde d'aujourd'hui e risquent de décrédibiliser les médias publics.

Il ne faut pas confondre les fonctions : une entreprise publique n'est pas une administration ; les choix qu'elle fait sont des choix économiques et éditoriaux au jour le jour, elle doit en rester maîtresse. Lorsque les organisateurs de Sefor 2008 nous invitent à nous interroger sur les modes de gouvernance, ils doivent précisément s'intéresser à cet aspect fondamental des médias publics modernes : ils doivent être gérés en toute indépendance, et leurs dirigeants doivent être des entrepreneurs, attachés à mettre en œuvre leur développement en se projetant dans l'avenir, non en gérant un budget.
(…) En matière de télévision comme dans tous les autres domaines économiques, il faut responsabiliser les acteurs, en leur fixant des objectifs clairs, non les déresponsabiliser en entravant leur action par des tutelles qui pèsent sur eux.

Les médias publics ont donc, désormais, une responsabilité nouvelle : adapter leurs méthodes, leurs programmes, leurs modes de diffusion, donc leurs principes de gestion et de management, pour continuer à remplir au mieux le rôle fédérateur, pédagogique, démocratique et culturel qui leur est imparti. Mieux financés, de manière novatrice peut-être, ils doivent être les principaux ressorts de l'adaptation d'une offre médiatique de qualité aux nouvelles attentes des téléspectateurs. C'est un enjeu de vitalité culturelle dans un espace de communication mondialisé. Eux seuls, dans beaucoup de pays, sont capables d'en assumer la charge. Encore faut-il qu'ils en aient la volonté, et qu'on leur en donne les moyens!

Par Hervé Bourges

Ancien directeur de l'Esijy, ancien président de l'Upf,
de Rfi, de France télévisions
(1) Extrait de son allocution prononcée à Yaoundé
à l'ouverture du Sefor 2008

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