vendredi 9 mai 2008

Benjamin Fouda Effa : "Le Mincom a eu ma tête"

L`ancien chef de chaîne de Radio Siantou parle de son limogeage survenu hier.

Vous venez d`être limogé de vos fonctions de chef de chaîne de la Radio Tiemeni Siantou. Comment avez-vous appris la nouvelle ?

J`écoutais la radio dans l`après-midi, autour de 16h, et j`ai suivi une note de service signée de mon patron, M. Siantou, qui nommait Eugène Messina, précédemment chef du service des programmes, au poste de chef de chaîne. Ce qui signifie naturellement mon limogeage.

Est-ce que vous-vous y attendiez ?

Oui, je m`y attendais. Hier [mardi] nous avons eu une réunion avec le patron. Il nous a tous convoqués et on a eu une réunion qui a duré de 20h30 à 1h à la radio. Au cours de cette réunion, il m`a beaucoup réprimandé. Il me reprochait d`avoir fait, ce jour-là même, une émission interactive sur la déclaration de Janet Garvey, ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, qui s`est exprimée sur l`état de la liberté de la presse au Cameroun. Entre autres choses, elle avait demandé au gouvernement de rétrocéder le matériel de Magic Fm qui, disait-elle, appartient aussi au gouvernement américain. A la fin de cette réunion-là, je savais très bien que j`allais tomber, puisqu`il avait indiqué que celui qui irait à l`encontre de ses instructions serait remercié.


Qui est-ce qu`une émission pareille aurait pu gêner ?

C`est évident, puisque l`émission parlait de la liberté de la presse. Au cours de cette émission d`ailleurs, qui était très équilibrée, nous avons eu l`inspecteur général du ministère de la Communication et le directeur du développement des médias privés qui sont intervenus, en plus des auditeurs qui appelaient d`ici, de Paris, puisque nous émettons sur internet. Cette émission a gêné le ministre de la Communication, à qui j`avais quand même pris la peine de téléphoner le matin avant de la faire. J`ai eu M. Biyiti Bi Essam au téléphone et je lui ai demandé de m`envoyer l`un de ses collaborateurs à une émission que je ferai, pour équilibrer le plateau, parce que j`avais invité Jules Elobo [chef de chaîne de Magic Fm]. Il m`a dit qu`on se reparlerait et n`a plus rien fait. Donc, c`est le ministre de la Communication que cette émission a gêné.


Vous pensez donc que le ministre de la Communication a pu exercer des pressions sur votre patron pour qu`il vous limoge…

Le Mincom a eu ma tête. Il a reçu mon patron hier [mardi] dans son bureau autour de 19h et il a dû lui rappeler qu`au cours d`une audience il n`y a pas très longtemps, et il avait souhaité que Rts continue de faire le travail d`apaisement, qu`on a d`ailleurs toujours fait, car on n`a jamais été un média qui mettait le feu. Je n`étais pas à l`audience de mardi, je ne sais pas exactement ce qu`ils se sont dit, toujours est-il que c`est au sortir de là qu`ils nous a convoqués en réunion. Donc, j`estime que le Mincom a eu ma tête.


Quand on regarde l`histoire de la Rts, on se rend compte qu`il ne s`agit pas du premier cas de limogeage d`un chef de chaîne dans les mêmes conditions, pratiquement. On peut se dire finalement que lorsqu`on anime des émissions du type que vous animez ou que vous avez animées sur la Rts, on peut s`attendre à être débarqué d`un moment à l`autre…

Vous faites bien de parler de J. Remy Ngono, qui a été débarqué effectivement de la sorte. Lui aussi d`ailleurs à la suite de pressions de l`ancien ministre de la Communication [Jacques Fame Ndongo]. Nous présentons des émissions qui sont assez délicates. Il n`y a pas que cette émission d`ailleurs qui dérange. Il m`est arrivé plusieurs fois d`être interpellé par mon patron après "Zap Press", qui me disait : "qu`est-ce que je t`ai dit de faire ?". Quand on fait des émissions de débat, d`opinion… un bon journaliste dérange forcément. Le jour où on est nommé, on s`attend à être débarqué. On travaille dans cet état d`esprit-là.

Cette décision aura-t-elle une influence sur votre avenir à Rts ?

Je ne sais pas encore ce que je vais faire, je ne sais pas encore ce que je deviendrai. J`en parlerai dans les jours à venir.

Jules Romuald Nkonlak

Lejourquotidien.info

RTS : Benjamin Fouda Effa limogé


Le chef de chaîne de Radio Siantou a été remplacé par Eugène Messina .
La nouvelle est tombée hier, vers 16h. D’abord de bouche à oreille à la salle de rédaction, puis, au détour d’une conversation téléphonique avec un journaliste de cette station de radio basée à Yaoundé (qui n’a pas souhaité dévoiler son identité), la décision a été confirmée . " Benjamin a été déchargée de ses fonctions de chef de chaîne de Radio Siantou tout à l’heure par le président du groupe Siantou. Il est remplacé par Eugène Messina".
Sur les raisons de ce limogeage, notre source n’a pas souhaité s’étendre, arguant la délicatesse du sujet. "Je ne peux simplement vous dire que l’émission à vous l’antenne qu’il a animée hier n’a pas plu. Certaines autorités l’ont jugée très osée. Le ton des intervenants très libre". Joint au téléphone, le promoteur de Radio Siantou, Lucien Wantou Siantou a confirmé le limogeage de son chef de chaîne sans en donner les raisons.

"Je suis encore pris là. Je ne pourrai vous rencontrer que plus tard. Mais déjà, je tiens à vous dire que M. Fouda est déchargé de ses fonctions et non viré", a précisé M. Siantou. De son côté, le concerné relève qu’il a été démis de ses fonctions sous la menace du ministre de la Communication, Jean Pierre Biyiti bi Essam qui "longuement reçu le président du groupe Siantou hier soir. A la suite de cette longue entrevue, le président a tenu à son tour une réunion qui a pris fin tard dans la nuit. Au cours de celle-ci, il m’a reproché d’avoir relancé cette émission et surtout, d’avoir organisé l’émission querellée. Je dois dire que c’est sous la pression du ministre de la Communication que cette décision est intervenue".

Joint au téléphone, le ministre de la Communication, Jean Pierre Biyiti bi Esam a soutenu n’avoir pas reçu M. Siantou. "Je n’ai pas reçu le directeur de Radio Siantou. Je ne lui ai pas demandé de limoger qui que ce soit. Je n’en sais donc rien. Dites, Radio Siantou est une entreprise privée non? Il ne s’agit par exemple pas de la Crtv pour dire que j’ai demandé des têtes".
L’édition de mardi, 6 mai 2008 de "A vous l’antenne", le programme interactif de Radio Siantou (déjà suspendue en février dernier) sur la position de l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, Janet Garvey n’aurait pas plu. Notamment le relais que la chaîne a fait de l’exigence de Mme Garvey sur la réhabilitation des radios et télévisions fermées en février dernier d’autant plus que certains collaborateurs du Mincom ont brillé par leur liberté de ton au cours de ladite émission.

Mutations

jeudi 8 mai 2008

Audiovisuel : Stv, cette adulte de… trois ans

La rentrée des programmes 2007/2008 arrive quelque temps après l'octroi de la licence d'exploitation, trois ans de diffusion, mais aussi de constats pas très flatteurs.
Le 30 août 2007, Ebénézer Njoh Mouelle, alors ministre de la Communication, a remis les licences d'exploitation aux premières entreprises privées de communication audiovisuelle exerçant et ayant leur siège au Cameroun. Un sésame que les promoteurs attendaient depuis la loi d'avril 2000 portant sur la libéralisation du secteur audiovisuel. Parmi le quatuor de "privilégiés" de cette décision ministérielle, se trouve Spectrum Televsions (Stv), une chaîne composée de deux télévisions (Stv 1 avec 70% d'émissions en langue anglaise et Stv2, qui a ses 70% de programmes en français) dont les promoteurs ne sont autres que les frères Mukete, et ayant pour directeur général une grande figure de la télévision africaine, Mactar Silla, ancien directeur de Tv5 et de la Radio télévision du Sénégal (Rts). Trois années ont donc passé, depuis les premiers tests des équipements installés à l'immeuble Kassap au quartier Akwa à Douala. Et, si les responsables de cette télévision peuvent se vanter d'avoir impulsé un certain nombre de choses dans ce secteur, il n'en demeure pas moins que la chaîne a, au moins une fois, été inquiétée par l'autorité qui assure la tutelle technique.

Le 12 juillet dernier, par exemple, alors que l'on se trouvait en pleine campagne électorale au Cameroun, pour le double scrutin du 22 juillet 207, le ministre de la Communication adressait une correspondance pour interdire la diffusion de "Cartes sur table", un programme politique diffusé sur Stv 2. Dans sa note le ministre de la Communication demandait "de mettre immédiatement un terme à la diffusion de ladite émission dont les principes sont contraires à la réglementation". Une décision qui tombera dans des oreilles de sourds, puisque le lendemain, l'émission a bel et bien été diffusée. Les principes de ce programme étaient-ils vraiment contraires à la réglementation ? L'on sait, par contre, qu'aucune sanction n'a été retenue contre la chaîne. Mieux, elle se verra décerner, quelques jours plus tard, la licence d'exploitation sus mentionnée.

Programmes

En dehors de ces volets beaucoup plus administratifs, les contenus des programmes ont été accueillis avec plus ou moins de bonheur dans les ménages. Une émission comme "Good Morning Cameroon" est d'ailleurs brandie comme une fierté de la maison. Simplement parce que considérée comme le précurseur des programmes de même nature diffusés sur les chaînes nationales (Bonjour ! et Hello ! de la Crtv, Canal Matin de Canal 2 International et, tout récemment, Cadence matinale de Equinoxe Télévision). Même si le programme est le premier au Cameroun, nombre d'observateurs ont toutefois remarqué qu'il n'est que la réplique d'un autre déjà diffusé sur une chaîne au Nigeria. La même remarque est aussi valable pour l'émission de sport en langue anglaise, "On The Ball", que l'on regarde, sous le même intitulé sur Super Sport, une chaîne thématique sud-africaine. En plus de ces remarques, les avis des téléspectateurs de la chaîne ne sont pas toujours flatteurs.

"Les émissions sont souvent mal coupées, c'est-à-dire au moment où on ne s'attend pas. Ensuite, certaines émissions débutent avec des retards, et en attendant, on nous fait voir la même chose pendant longtemps", souligne une téléspectatrice, secrétaire de direction à Partec. "J'aime davantage Stv2 pour ses films nigérians", soutient une ménagère. "On s'est réjoui de l'arrivée de Stv dans le paysage de l'audiovisuel au Cameroun. D'ailleurs au départ, la télévision se démarquait par la qualité du traitement de l'information. Ce qui nous faisait sortir de ce qui nous était présenté. Mais quelque temps après, on s'est rendu compte que Stv s'est laissé influencer par les tendances observées sur les autres télévisions. Je pense que cette chaîne a aussi quitté le terrain de la proximité où on l'attendait", soutient Mathieu Njog.

Pour Bily, tenancier d'un snack bar situé à Akwa, "Stv se démarque surtout en matière de programmes de sport et de débats". Mais s'il y a quelque chose qu'il n'apprécie pas sur ces chaînes, c'est, dit-il, le mauvais agencement des programmes. A son avis, Stv1 et Stv2, qui auraient dû être complémentaires, ne le sont pas. "Concrètement, il arrive souvent qu'une série soit diffusée sur Stv 1 en anglais, au même moment qu'un autre film passe à Stv2 dans la même langue. Je pense aussi que beaucoup de programmes sont trop tournés sur l'international", indique la même source. Sans nier son caractère panafricain, les responsables de la chaîne affirment que "50% des programmes quotidiens s'appuient sur un contenu produit localement et s'adressent aux publics cibles de tous les niveaux".

http://www.quotidienmutations.info